« L’Inde, deuxième géant asiatique, est une pièce incontournable du jeu d’échecs multipolaire »
« Après avoir dévoré cent souris le chat s’en va en pèlerinage. » Ce proverbe indien illustre assez bien le contexte dans lequel s’inscrit la visite en France du premier ministre indien, Narendra Modi. Que le personnage politique soulève toute une série d’interrogations, compte tenu de la dérive évidente du régime nationaliste à l’encontre des minorités non hindous ou des libertés démocratiques fondamentales, est plus que légitime.
Mais, finalement, pourquoi en soulèverait-elle plus que le grand nombre de dirigeants chaleureusement reçus à l’Elysée ces derniers mois ? A chaque fois, les mêmes questions se posent. Faut-il les recevoir ? Faut-il s’interdire de parler des sujets qui fâchent ? Pourquoi faire tant d’honneur en particulier au dirigeant indien à l’occasion de la fête nationale ? Les réponses ne sont pas très compliquées en fait. Elles exigent simplement que chacun prenne ses responsabilités.
Tout d’abord, c’est l’Inde qui est l’invitée d’honneur, bien au-delà de son premier ministre qui, rappelons-le, a été élu démocratiquement en 2014 puis réélu en 2019. En outre, cette visite s’inscrit dans le cadre de soixante ans d’une relation spéciale de la France avec l’Union indienne, et d’un partenariat stratégique signé en 1998 dans un contexte géopolitique crucial : la fin de la guerre froide et l’alternative entre un monde unipolaire ou un monde multipolaire.
L’Inde, le seul contrepoids naturel de la Chine
C’est bien la construction de ce monde multipolaire qui est la clé de voûte de la diplomatie française depuis ses expériences malheureuses avec l’hyperpuissance américaine. Un géant démographique, démocratique et économique de la taille de l’Inde en est bien évidemment l’un des piliers majeurs. Et un partenaire d’autant plus stratégique que se précise l’évolution vers un monde doublement bipolaire : sino-américain, d’un côté, et Nord-Sud, de l’autre.
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Or, l’Inde est bien le seul contrepoids naturel de la Chine, c’est aussi un leader reconnu du Sud global, et incidemment un allié de la Russie. Le même dilemme se pose pour la critique concernant les ventes d’armes qui vaudraient tant d’honneur au dirigeant indien. C’est bien lui qui a effectivement signé en 2016 le plus gros contrat cash d’avions Rafale, pour la bagatelle de 7,9 milliards d’euros.