Première expérimentation de psychédéliques pour traiter l’alcoolisme et la dépression en France

Pour la première fois en France, une expérimentation pilote utilisant des drogues psychédéliques en complément de la psychothérapie pour traiter les symptômes dépressifs liés à l’alcoolisme est en cours.

Les psychédéliques provoquent une gamme de réactions différentes lorsqu’ils sont ingérés par les humains, dont les hallucinations visuelles qui sont les plus connues. Ces substances sont utilisées depuis l’Antiquité, mais ce n’est qu’à partir des années 1960 que les premières recherches sur leurs bénéfices médicaux potentiels ont commencé. Ces recherches ont connu un renouveau au cours des dix dernières années.

La psychothérapie assistée par psychédéliques

« La psychothérapie assistée par psychédéliques consiste généralement à préparer les patients avec l’aide de professionnels de santé avant l’expérience, tout en les soutenant et les guidant tout au long de l’expérience, ainsi qu’après », a expliqué Amandine Luquiens, psychiatre et spécialiste des addictions au CHU de Nîmes, dans une interview pour The Connexion. Elle a ajouté : « Cela permet aux patients de comprendre ce qui va se passer et de minimiser l’anxiété liée au traitement, tout en leur offrant un plan de sortie précis. »

L’étude menée au CHU de Nîmes utilise spécifiquement la psilocybine, une substance psychédélique présente dans les champignons magiques, comme un « tremplin » pour le traitement psychothérapeutique normal destiné aux patients souffrant d’alcoolisme et de symptômes dépressifs. Les patients doivent avoir récemment cessé de boire de l’alcool et présenter également des symptômes dépressifs liés à cette consommation.

L’objectif de cette expérimentation est de prévenir les rechutes des patients une fois la psychothérapie terminée. En effet, environ 50 % des patients rechutent après une psychothérapie traditionnelle, un taux deux fois plus élevé chez ceux qui présentent des symptômes dépressifs.

Un traitement innovant contre les rechutes

Il est supposé que la psilocybine pourrait renforcer les techniques psychothérapeutiques et ainsi réduire ces rechutes. Les patients sont hospitalisés pendant quatre semaines et, pour ceux qui choisissent d’y participer, la psychothérapie assistée par psychédéliques s’ajoute à la psychothérapie traditionnelle dispensée par l’hôpital. Les participants prennent de la psilocybine deux fois : une première fois au début du traitement et une seconde trois semaines plus tard. La psilocybine est ingérée sous forme de petites capsules. Les patients sont équipés de bandeaux pour éviter les hallucinations visuelles, qui durent environ six heures, et dont les effets varient d’un patient à l’autre.

« Certaines expériences sont très intenses pour les patients, tandis que d’autres ne ressentent pratiquement rien », précise le Dr Luquiens. « Certains rapportent un sentiment d’unité et de connexion avec l’univers, tandis que d’autres vivent une expérience plus anxieuse et désagréable, parfois même oubliant qui ils sont. » Elle ajoute que « c’est pour cette raison que la préparation des patients est si importante. Parfois, les patients doivent aussi ‘affronter’ des souvenirs ou des expériences qu’ils n’avaient pas repensés depuis longtemps. »

L’expérience psychédélique et ses effets secondaires

Les patients décrivent souvent cette expérience de six heures comme l’une des plus importantes de leur vie. Toutefois, ce sont les effets secondaires, une fois que la psilocybine n’est plus présente dans le sang du patient, qui sont au cœur de cette étude. L’un de ces effets est la sécrétion de facteurs de croissance qui favorisent probablement la croissance de nouvelles connexions neuronales (appelée neuroplasticité). Cela pourrait aider les patients à changer plus facilement des comportements devenus automatiques, comme la consommation d’alcool pour gérer des émotions négatives.

Il n’est pas encore certain que le « trip » initial de six heures soit essentiel pour obtenir ces effets secondaires. Certains laboratoires tentent de supprimer cette phase, permettant ainsi aux patients de potentiellement ne ressentir que les effets à long terme. Cependant, le Dr Luquiens a remarqué que les patients ayant une expérience négative durant le « trip » ne bénéficient généralement pas des effets à long terme de la psilocybine.

Elle a également souligné que l’alcoolisme et les symptômes dépressifs sont très divers, avec de nombreuses causes différentes, et que les patients sont souvent émotionnellement instables. C’est pourquoi ces patients ont été spécifiquement choisis pour l’étude. Le projet pilote, impliquant 30 patients, a commencé en février et devrait se terminer en janvier. Le Dr Luquiens espère publier les résultats en avril.

Cette expérimentation pourrait marquer un tournant dans le traitement de l’alcoolisme et des troubles dépressifs, en offrant une approche innovante qui associe psychothérapie traditionnelle et psychédéliques.

Cet article a été publié à l’origine sur connexionfrance.com

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